Imprimé depuis le site Archives du Formindep / publié le lundi 17 septembre 2012

Dépistage du cancer du sein

Ne pas croire aux mirages d’études biaisées, et se fier à des informations crédibles et indépendantes.

Octobre est le mois de la promotion du dépistage du cancer du sein. Cette année Octobre Rose a débuté en septembre ! Et pour cause : deux études viennent d’être présentées comme une réponse fiable et définitive à la controverse autour de l’intérêt des mammographies systématiques. Malheureusement, cette communication s’inscrit plus dans une démarche promotionnelle que scientifique.

Les travaux sur lesquels s’appuie cette campagne sont peu convaincants. Leurs auteurs sont englués dans des conflits d’intérêts majeurs, ou sont l’objet d’une suspicion de fraude pour d’autres publications.

Ce communiqué du Formindep résume les éléments à charge contre cette opération de promotion du dépistage mammographique. Il sera suivi de publications plus détaillées.

Deux études viennent d’être présentées comme une réponse fiable et définitive à la controverse autour de ce dépistage. Ce qu’après son analyse indépendante le Formindep conteste. En effet, l’étude observationnelle de Nickson qui annonce que le dépistage réduit la mortalité par cancer du sein de 49 % est de très faible niveau de preuve et ainsi très fortement biaisée. Ce que les auteurs reconnaissent dans leur résumé, en disant qu’ils n’ont pas été capables de contrôler les biais. Les mêmes auteurs publient en même temps une méta-analyse d’études qui ont également un très faible niveau de preuve, excluant ainsi les bonnes études qui ont permis depuis quelques années de conclure à l’absence d’efficacité du dépistage. La deuxième étude de Puliti et Duffy concerne le surdiagnostic qu’ils estiment être compris dans une fourchette de 1 à 10 %. Cette étude est également fortement biaisée car elle a éliminé de son analyse les études dans lesquelles « l’effet de l’avance au diagnostic » n’avait pas d’influence sur la mesure du surdiagnostic. De ce fait de nombreuses études de références ont été exclues, dont deux études de référence analysées par le Formindep : celle de Zahl en 2008, et celle de Junod en 2011. La Revue Prescrire en 2006, après une analyse minutieuse, concluait que le surdiagnostic était compris entre 30 et 50%.

Enfin, à l’heure du démarrage de cette nouvelle campagne, le Formindep rappelle également le problème des conflits d’intérêts très importants dans ce domaine. Ainsi le Formindep a alerté en avril 2012 la revue The Lancet sur les conflits d’intérêts majeurs du père de la mammographie, László Tabár, auteur de l’essai suédois de 1985 qui a permis la mise en œuvre des programmes de dépistages européens. László Tabár exerce différentes activités lucratives pour plusieurs firmes spécialisées dans l’imagerie médicale (consultant, enseignant, membre de comités médicaux et scientifiques). Il est également codétenteur du brevet sur un système interface/workflow d’imagerie du sein, et CEO d’une société spécialisée dans la formation en matière de lecture de mammographies (chiffre d’affaires annuel estimé entre 1 et 2,5 millions de dollars). Ces conflits d’intérêts n’ont jamais été déclarés par cet auteur. Pourquoi de tels oublis qui contreviennent à toutes les règles internationales de publication ? Par ailleurs en mars 2006, des auteurs indépendants ont démontré que les résultats très favorables observés dans l’étude de Tabár et Duffy étaient incompatibles avec les données officielles d’incidence et de mortalité par cancer du sein en Suède. La crédibilité de Stephen Duffy est sur ces faits grandement entachée. Enfin, notre analyse nous amène à constater que nombre d’auteurs sont dans un raisonnement circulaire, c’est-à-dire qu’ils évaluent ce qu’ils sont chargés de promouvoir. Le risque du raisonnement circulaire est identique à celui d’un conflit d’intérêt financier, perdre lucidité, impartialité et liberté. Il est alors difficile d’avouer que l’on s’est trompé dans ses nombreuses publications, et on a naturellement tendance à sélectionner tout ce qui ira dans le sens de ce que l’on a analysé précédemment en écartant tout ce qui va en sens contraire.

Le rapport bénéfice/risque, publié par la Collaboration Cochrane, à partir des études de meilleur niveau de preuve, les essais contrôlés, a été calculé pour 2000 femmes participant au dépistage pendant 10 ans. Une aura évité un décès prématuré par cancer du sein et 10 auront été victimes d’un surdiagnostic et des traitements inutiles et dangereux qu’il entraîne. Ce rapport bénéfice/risque de 1 contre 10 est bien différent de celui qui ressort des publications récentes.
Pour une information loyale et indépendante, le Formindep met donc à la disposition des femmes la traduction de la brochure d’information réalisée par Peter GØTZSCHE de la Collaboration Cochrane danoise.