Imprimé depuis le site Archives du Formindep / publié le jeudi 1er mars 2012

Elections présidentielles 2012

Cinq questions du Formindep aux candidats

Améliorer la transparence et l’indépendance de notre système de santé pour réduire le risque sanitaire lié aux influences industrielles et commerciales. 5 questions du Formindep aux candidats à l’élection présidentielle.

Madame, Monsieur le (la) candidat(e) à la présidence de la République,

Les influences exercées sur notre système de santé par des intérêts industriels et commerciaux créent des conflits d’intérêts chez les soignants, les autorités sanitaires et leurs experts, les usagers. Ces pratiques favorisent des soins inutiles et dangereux, augmentent les coûts, creusent les déficits sociaux.

Ces influences constituent aujourd’hui un risque sanitaire majeur dans une société où la santé est de plus en plus considérée comme un marché au détriment des priorités de santé publique.

Les désastres du Vioxx° et du Mediator° ont tragiquement démontré ce risque sanitaire, à travers souffrances inutiles, vies humaines perdues, surcoûts évitables pour la collectivité. Ce risque doit maintenant être pris en compte au même titre que d’autres facteurs de risques évitables, tels l’alcool ou la vitesse au volant, l’hygiène à l’hôpital, le tabagisme, l’obésité, etc.

L’action du Formindep

Le Formindep agit maintenant depuis 8 années pour faire connaître ce risque, en œuvrant pour une formation et une information médicales indépendantes, libérées des influences des firmes pharmaceutiques.
En 2007 il a obtenu la publication des décrets d’application de la loi sur la transparence de l’information médicale (article L 4113-13 du code de la santé publique). Celle-ci oblige les professionnels qui s’expriment publiquement sur un produit de santé à déclarer leurs conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique.

En 2011 le Formindep a obtenu l’abrogation de 2 recommandations dites de "bonnes pratiques" de la Haute Autorité de santé, élaborées par des experts trop liés à l’industrie pharmaceutique ; il a ainsi permis que la réglementation régissant les conflits d’intérêts des experts de la HAS et d’autres instances sanitaires soit mieux respectée. Le risque que ces recommandations, sur lesquelles s’appuient les soignants pour se former et soigner, soient biaisées par des intérêts autres que la santé des patients se trouve ainsi réduit mais est loin d’être supprimé.

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Cinq questions pour améliorer la transparence et l’indépendance de notre système de santé, et réduire le risque sanitaire lié aux influences industrielles et commerciales

La loi du 29 décembre 2011 sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, si elle comporte des avancées, reste très insuffisante pour éviter de nouveaux désastres sanitaires.
Il nous paraît indispensable que cette loi soit améliorée et renforcée. C’est pourquoi le Formindep vous demande si, une fois élu(e), ce texte sera réexaminé par le parlement et, à travers ces 5 questions, quelles mesures supplémentaires seront prises pour renforcer l’indépendance et la transparence de notre système de santé et de ses acteurs, et ainsi lutter efficacement contre ce risque sanitaire que représente l’intrusion incontrôlée d’intérêt industriels et commerciaux dans la santé.

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1- La transparence de l’information et des liens des professions de santé

L’article L 4113-13 du code de la santé publique, 10 ans après son adoption par le parlement, prévoit que les professionnels de santé qui s’expriment publiquement sur un produit de santé déclarent leurs liens avec les firmes pharmaceutiques. Il reste largement inappliqué, que ce soit dans les medias grand public, dans la formation universitaire, les congrès médicaux, etc. L’ordre des Médecins chargé de son application est inefficace, les sanctions sont inexistantes et non dissuasives.

La récente loi a étendu à de nouveaux acteurs de santé l’obligation de faire une déclaration publique d’intérêts sur le site de l’autorité de santé qui s’adjoint leur concours ; elle prévoit également que les firmes rendront publics les avantages éventuels qu’elles leur consentent. Le risque est grand que ces déclarations émanant de sources diverses et hétérogènes, disséminées sur de multiples sites, nuisent à la clarté de l’information et rendent difficile le contrôle des citoyens. Il est nécessaire que ces informations soient regroupées, lisibles, facilement accessibles et exploitables.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour rendre efficace et opérationnelle pour les citoyens la transparence des liens d’intérêts ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que cette transparence soit appliquée réellement, dans la formation médicale initiale et continue des médecins, dans les medias grand public ?

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2 - L’indépendance de l’expertise et l’impartialité des décisions d’ordre sanitaire

Les drames sanitaires récents ont montré l’inefficacité, voire la dangerosité d’une expertise sanitaire publique confiée aux seuls experts de l’industrie pharmaceutique. Etre expert au service d’intérêts privés ne garantit pas la compétence pour une expertise publique au service de l’intérêt général. Il s’agit bel et bien de deux métiers différents. Dans son rapport sur le Mediator°, le Sénat recommandait la mise en place d’un Corps d’experts sanitaires publics, pluridisciplinaire, formé spécifiquement dans un cadre européen et contrôlé par une Autorité indépendante. Cette mesure a été rejetée dans la loi actuelle.


Comptez-vous mettre en place un Corps d’experts sanitaires publics contrôlé par une Autorité indépendante, seul à même de garantir une expertise dégagée des intérêts des firmes pharmaceutiques ?

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3 - La protection des lanceurs d’alerte

Dans plusieurs pays européens, comme aux Etats-Unis, les "lanceurs d’alerte" au sein des firmes pharmaceutiques, des agences sanitaires, des organismes de recherche et de formation, bénéficient d’un statut les incitant à révéler des comportements néfastes, et les protégeant de représailles éventuelles. Leur rôle de vigilance est essentiel pour la protection de la santé publique et de l’intérêt général.

Comptez-vous créer un véritable statut des lanceurs d’alerte en France, incitatif et protecteur ?

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4 - La remise en question des actions de santé publique qui ne reposent pas sur des données fiables, influencées par des conflits d’intérêts, et susceptibles de nuire à la qualité de l’information et des soins : l’exemple du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie.

La qualité des soins et la sécurité sanitaire reposent sur la mise à disposition d’informations fiables, équilibrées, fondées sur des données scientifiques validées, favorisant des décisions de soins éclairées, adaptées et respectueuses du choix des personnes. Le fiasco de la gestion de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009 trouve sa source dans décisions fondées sur des données biaisées, manipulées par des intérêts autres que la santé des patients.

Actuellement les données scientifiques s’accumulent pour démontrer l’absence d’intérêt voire la nocivité du dépistage systématique du cancer du sein par la mammographie, essentiellement du fait de surdiagnostics à l’origine de traitements inutiles. Les autorités sanitaires telle la HAS, l’assurance maladie refusent de prendre en compte, voire nient ces données. Elles continuent à promouvoir et à inciter à ce dépistage, y compris financièrement à travers le "paiement à la performance" des médecins. Cette attitude empêche un choix libre et éclairé des femmes concernées.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour, comme en Grande-Bretagne, réévaluer l’intérêt de ce dépistage, à l’abri des conflits d’intérêts industriels et professionnels ? Comptez-vous retirer des critères du paiement des médecins à la performance, l’incitation à ce dépistage systématique ? Envisagez-vous un moratoire voire l’arrêt de ce dépistage ?

De façon générale, comment comptez-vous renforcer la prise de décisions sanitaires fondées sur des données scientifiques fiables et indépendantes, sans conflits d’intérêts, dans le seul intérêt de la santé de la population ?

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5 - Le renforcement de la protection de l’Agence européenne du médicament contre l’intrusion des intérêts industriels et commerciaux

La plupart des autorisations de mise sur le marché des médicaments sont accordées au niveau européen, à travers l’Agence européenne du médicament (EMA). Outre une opacité entretenue, de récents scandales, certains révélés par le Formindep, ont mis en évidence l’omniprésence des intérêts des firmes pharmaceutiques, à travers certains de ses experts et de ses dirigeants qui leur sont inféodés. Le Parlement européen a récemment refusé le quitus des comptes de cette agence, du fait de l’importance et du nombre de ses conflits d’intérêts.

Quelles initiatives comptez-vous prendre au niveau européen, pour renforcer l’indépendance et la transparence des instances sanitaires européennes comme l’EMA, et les soustraire à l’influence des firmes et des lobbies, pour le bénéfice de la santé publique au lieu de celui des intérêts industriels ?

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Nous vous remercions à l’avance, Madame, Monsieur la (le) candidat(e) à la présidence de la République, des réponses que vous voudrez bien apporter à ces 5 questions qui nous semblent déterminantes pour l’avenir de notre système de santé.

Le Formindep publiera vos réponses sur son site. Elles témoigneront de l’importance réelle que vous accordez à ces questions. Elles permettront aux citoyens et aux électeurs de nourrir leur réflexion, et de faire un choix éclairé au moment du vote. Au delà des évidents enjeux sanitaires et économiques, vous aurez perçu qu’il s’agit surtout de l’existence d’une démocratie sanitaire active ayant l’intérêt général comme unique objectif.

Dans l’attente, nous vous assurons, Madame, Monsieur la (le) candidat(e) à la présidence de la République, de nos sentiments les plus vigilants et indépendants.

Le Formindep

Lettre ouverte du Formindep