Imprimé depuis le site Archives du Formindep / publié le dimanche 6 juin 2010

Politique anti-tabac

HUMANITÉ… OU BARBARIE ?

Deux regards sont possibles sur ceux qu’une position de faiblesse met hors des normes bien changeantes et arbitraires qui régissent les communautés humaines, malades, handicapés, dépendants de drogues diverses. Ou bien on s’attache à les amener si possible à la guérison, sinon à améliorer leur sort, et à les intégrer au mieux dans le réseau social. Ou bien on les stigmatise, les cache, les exclut, voire les pourchasse. Même si l’on n’en arrive pas à la solution finale, c’est la voie de la barbarie. Certains même y pensent, comme le montre cette réflexion d’un certain B.W. dans le forum GlobaLink [1], que je traduis fidèlement de l’anglais : « Je ne comprends pas le débat sur le snus. Évidemment, c’est un bénéfice de santé publique pour les gens qui doivent travailler à côté d’un fumeur là où fumer n’est pas interdit. Mais par ailleurs, les cigarettes ne me soufflent pas la fumée au visage, les fumeurs le font. Donc pourquoi diable se soucier de la morbidité des fumeurs, sinon dire que ce ne sera jamais assez tôt ! »

[(image|=={image}|et{|non}|oui) Repris de l'article : Tabagisme passif : des chiffres un peu… fumeux, sur le site : www.bakchich.info ][(image|=={image}|et{|oui}|oui)
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Repris de l’article : Tabagisme passif : des chiffres un peu… fumeux, sur le site : www.bakchich.info

Donc qu’ils crèvent ! Que B.W. se félicite de ne pas être enfumé est normal. Mais il ne comprend pas le débat sur le snus ! Sucer un sachet de ce tabac suédois est pourtant l’arme absolue contre le tabagisme passif. En toute humanité, il devrait aussi se féliciter que ceux qui le préfèrent à la cigarette ne risquent plus le cancer du poumon, la bronchite chronique ou l’infarctus.

Ainsi la politique anti-tabac vient de prendre un virage que j’estime dangereux. C’est la fumée qui constitue le risque, qu’il s’agisse de celle du tabac, des cheminées d’usine, des pots d’échappement de voitures, des barbecues ou du cannabis. C’est la combustion qui produit les goudrons cancérigènes, les irritants bronchiques et l’oxyde de carbone nécessaire aux infarctus. Il reste des produits nocifs dans la prise ou la chique, comme dans le plastique des biberons, les salaisons au salpêtre ou les viandes et poissons fumés, et même le sel en excès dans les aliments conservés. Mais le snus est 98 % moins dangereux que la cigarette, même si on lui attribue autant de cancers de la bouche ! Tous les pourfendeurs du tabagisme passif devraient s’unir pour que soit levée l’interdiction de sa vente en Europe, à laquelle la Suède n’a pas voulu se plier.

C’est là que pointe le bout de l’oreille du barbare. Car la cible n’est pas le tabac, c’est le fumeur ! On s’interdit même de lui autoriser une échappatoire en lui permettant d’utiliser le snus, contre lequel on mène une virulente campagne, en l’accusant de favoriser chez les jeunes l’adoption ultérieure de la cigarette, alors qu’au contraire, pour un utilisateur de snus qui passe à la cigarette, 4 fumeurs arrêtent de consommer du tabac en passant par le snus. [2]

"Société CONTRE Fumeurs". C’était le titre prémonitoire d’un magnifique ouvrage de deux psychologues genevois [3]. Leur analyse expérimentale de la réaction des individus face à une société de plus en plus moralisatrice et répressive au nom de l’hygiénisme, du principe de précaution poussé à l’absurde, laissait prévoir combien la politique actuelle des interdictions de fumer tous azimuts serait contre-productive. Et en effet, depuis ces interdictions, l’organisme officiel SLÀN a reconnu que la prévalence du tabagisme était passée de 27 % à 29 % en Irlande. En Italie, le Dr A. Santoro, cancérologue de l’hôpital milanais Humanitas [4], estimait 2 millions de fumeurs de plus en 2009 qu’en 2008, aussitôt contredit par le Haut Institut de Santé (ISS) qui en trouve 1,9 millions de moins ! [5]. Quant à la France, les ventes de tabac augmentent sans que baisse la contrebande, les jeunes fument de plus en plus et les ventes de médicaments pour arrêter de fumer s’effondrent. La cigarette fait partie de l’identité même du fumeur. L’attaquer, c’est l’exposer à un repli sur soi des fumeurs, un tabagisme retranché, insensible aux messages de santé.

Je devrais me féliciter que les fumeurs continuent à soulager ma feuille d’impôts de 12 milliards d’euros par an et à cotiser pour une retraite dont profiteront les autres après leur mort prématurée. Depuis les interdictions, je peux savourer un déjeuner au restaurant sans être enfumé. Le tabagisme omniprésent était une nuisance insupportable, et méritait une règlementation. Mais les mesures prises l’ont été, non pas au nom de la gêne occasionnée par la fumée, mais de la mortalité engendrée par le tabagisme passif. L’origine en est un rapport pseudo-scientifique, une pure manipulation fomentée par les firmes pharmaceutiques qui vendent des médicaments de sevrage [6].

[(image|=={image}|et{|non}|oui) humanité ou barbarie ][(image|=={image}|et{|oui}|oui)
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humanité ou barbarie

Or, l’unique victime du tabagisme, c’est le fumeur. Il le paie largement de sa santé, consacre à son tabac une part énorme de ses ressources, d’autant plus qu’il est moins fortuné. Non seulement il se sent coupable en allumant sa cigarette du matin, mais voilà qu’on l’accuse d’être l’assassin de son voisin et de ses proches. Cela poussera certes quelques uns à s’arrêter de fumer, mais la réaction normale de défense est le déni et la fuite derrière un écran de fumée. Or, la meilleure arme contre le tabagisme, c’est au contraire que le fumeur abandonne sa cigarette. Le médecin, l’infirmière, le politique devraient être du côté de la victime, pour l’aider à trouver les voies de s’en sortir. La barbarie, c’est de prendre le parti de l’enfoncer.


[1GlobaLink est un site de l’Union Internationale Contre le Cancer, consacré à la lutte contre le tabagisme.

[2Ramström L M, Foulds J Role of snus in initiation and cessation of tobacco smoking in Sweden. Tobacco Control 2006 ;15:210-214

[3Falomir, J. M., Mugny, G. (2004) Société contre fumeur, Une analyse psychologique de l’influence des experts. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.

[4Dépêche AFP 27 janvier 2010

[5Dépêche ANSA 19 mai 2010.