Abandonner la cigarette est le fruit d’une longue évolution psychologique. Jamais un médicament n’apportera une solution définitive. Cette conviction m’avait fait flasher sur un résumé d’article [1]. En "intention de traiter", sur 366 fumeurs assignés à une courte psychothérapie d’une journée et demi, 39,1 % étaient restés abstinents pendant un an, contre 12,3 % des 413 assignés à un traitement standard par le bupropion SR (Zyban°), un résultat de simple placebo. Avant de me réjouir d’une telle confirmation de mes thèses, il me fallait éplucher le travail original. Par nature, une telle étude ne peut être à double insu. Elle est donc largement ouverte à tous les biais.
Techniquement, c’est sans reproche. Une équipe de psychiatres et psychothérapeutes autrichiens de l’Université d’Innsbrück y participe, mais l’étude est faite en pratique psychiatrique privée. Les critères d’inclusion sont bien définis, le tirage au sort selon les règles. Les deux groupes sont homogènes quant à l’âge, le sexe, le poids, le niveau éducatif et les paramètres de tabagisme. Les sujets sont suivis tous les 3 mois jusqu’à un an, et l’abstinence contrôlée par la mesure du CO alvéolaire.
98% du groupe psychothérapie ont pu être suivis jusqu’au bout. Dans le groupe bupropion (Zyban°), 55 % seulement, beaucoup ayant dès le départ refusé le traitement. Même en ne comptant que ceux-là, la différence reste très nette et ultra significative, 39,9 contre 22,5 % ; effet habituel du bupropion, disent les auteurs.
Qui a financé une étude aussi lourde ? Pour l’essentiel dit l’article, le service gouvernemental de santé de Styrie. Le seul conflit d’intérêt déclaré concerne le Dr Ursula Grohs. Google nous apprend qu’elle dirige à Graz l’Institut für klinische Psychologie, Psychotherapie und Gesundheitsförderung, spécialisé pour enfants et ados. Elle a mis au point le programme de psychothérapie de groupe utilisé dans l’étude. C’est un programme commercial. Il coûte 350 € par personne, contre 355 € pour le bupropion. Certes, avec des groupes de 30 fumeurs, la rémunération est confortable si l’on fait le plein des séances. Mais j’ai peine à croire qu’une étude de cette ampleur puisse être financée par un tel centre privé, et qu’un organisme gouvernemental ait eu un tel intérêt pour le Zyban°, avec un seul objectif désintéressé de santé publique.
Où est la faille ? Avoir choisi comme produit de référence le Zyban°, pas la nicotine, rappelle le choix de Pfizer dans les études princeps sur la varénicline (Champix°). Or j’ai trouvé sur Google un entrefilet sur le financement d’un traitement psychothérapique de 48 enfants atteints de troubles anxieux. On lit : « Dr. Ursula Grohs, directrice du Steirischen Kinder- und Jugendtherapiezentren remercie Pfizer-Austria pour son effort (10 000 €) : "Par ce soutien généreux nous pourrons cette année organiser 80 sénaces de groupe avec les enfants et 24 avec les parents" ». C’était en juin 2003. [2]
Sans doute au moment ou a été pensée cette étude "Psychothérapie vs bupropion-Zyban°", et où Pfizer venait de torpiller le Zyban° dans son étude sur Champix°. Coïncidences ? Anguille sous roche ?
Quand un résultat semble tellement en accord avec son sentiment, on aimerait y croire. Raison de plus de se méfier. C’est si beau, si net, le suivi est si parfait qu’un certain malaise vous gagne, quand on a l’expérience des fumeurs et de leur "évanescence"…
Comme il est facile d’avaler tout ce qu’on lit….
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