Imprimé depuis le site Archives du Formindep / publié le dimanche 29 novembre 2009

Nécrologie

Fin de publication fumeuse

La revue "Sevrage Tabagique Pratique" annonce dans son numéro d’octobre 2009 qu’elle cesse de paraître, victime d’un arrêt brutal. Le rapprochement s’impose avec l’image de l’accident de side-car de la publicité de Nicorette® qui illustrait chaque numéro, avec comme légende : "Arrêter brutalement ne convient pas à tous les fumeurs." [1].

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Paix à ses cendres...

Le Professeur Gilbert LAGRUE regrette que le "nerf de la guerre" soit venu à manquer. Aurai-je dû soutenir de mon abonnement une aussi belle et luxueuse revue trimestrielle en quadrichromie sur papier glacé, que j’avais toujours reçue gratuitement, comme tous les tabacologues que je connais. Riche en articles sur tous les risques à fumer, elle vantait les bienfaits des interdictions et ne laissait comme issue aux fumeurs que les vertus de la substitution nicotinique et du Champix®. Seule la Nicorette® de Pfizer (puis McNeil) y faisant de la publicité, on aurait pu naïvement penser qu’il s’agissait d’un banal prospectus de laboratoire. Mais on était vite rassuré, l’indépendance de la revue étant garantie par l’éditeur Médiquid, du groupe Consensus, et la notoriété du Pr Bertrand DAUTZENBERG, son rédacteur en chef.

Comme il sied, des messages de condoléances regrettent un disparu paré de toutes les vertus, et souhaitent unanimement sa résurrection. Le numéro 24 ne rompt pas avec cette tradition. Je ne peux qu’être d’accord avec le Professeur DELCROIX qui souligne la fragilité de la presse médicale française. Clairement d’ailleurs, il ne pouvait parler de presse scientifique, qui a totalement disparu. Mais quand Patrick DUPONT écrit : "Je fais un rêve. Je fais un rêve d’une revue scientifique, pédagogique et éthique qui parlerait d’aide à l’arrêt du tabac…", je me prends à rêver aussi de son indépendance…

Le matraquage sur les substituts nicotiniques était la grande spécialité de la revue, qui défendait et se réjouissait de l’attribution de 50 € annuels par fumeur pour les acheter. Or les deux seules méta-analyses publiées à ma connaissance d’essais cliniques sur leur efficacité [2] [3] ont trouvé un taux identique d’arrêt du tabac à 6 mois de 7%, contre 3% au placebo (c’est-à-dire que 93% des utilisateurs sont revenus à la cigarette).


[1Le message initial était que l’on pouvait diminuer son risque à fumer si l’on remplaçait, sous-entendu "à vie", certaines cigarettes par des gommes à la nicotine. Cette incitation à continuer à fumer étant proprement scandaleuse, on a alors parlé de réduction progressive de la consommation tabagique grâce aux gommes, comme une étape vers l’arrêt définitif. Ce vœu pieux est plus acceptable, sans rien changer à ce qui sous-tend la démarche, le rêve des médicaments pour maladies chroniques...

[2Hughes JR, Shiffman S, Callas P, Zhang Z, A meta-analysis of the efficacy of over-the-counter nicotine replacement, Tobacco Control, 2003, Vol. 12, 21-27.

[3Moore D, Aveyard P, Connock M, Wang D, Fry-Smith A, Barton P, Effectiveness and safety of nicotine replacement therapy assisted reduction to stop smoking : systematic review and meta-analysis, BMJ 2009 ;338:b1024