Radiologue en Lorraine et ayant participé pendant vingt ans au dépistage organisé du cancer du sein en Moselle, j’ai fini par me demander comment on arrivait à faire courir des foules entières, dans des villes entières, des pays entiers, avec un ruban rose accroché au revers d’un T-shirt, dans l’illusion d’une « cause », la lutte contre le cancer du sein.
Comment se fait-il que parallèlement à la débauche d’illuminations roses, de ventes de produits labellisés roses, de distribution de rubans, la mortalité par cancer du sein dans la population ne décroît pas et la quantité de cancers diagnostiqués par contre, explose ?
Deux préceptes de notre exercice médical sont le « primum non nocere », et l’autre « l’information claire, loyale, appropriée » (article 33 du code de santé publique). Un beau jour il ne m’est plus apparu que ces deux conditions étaient présentes.
Depuis le début du dépistage on avait adopté un dispositif technique, la mammographie, qui s’est avérée au fil du temps être un outil imparfait, incapable de donner un résultat binaire (positif ou négatif, cancer ou pas cancer). Petit à petit, nous avons dû adapter cet outil peu fiable à chaque femme dépistée, tenant compte de la nature très subjective de l’organe qu’est le sein, variable selon la femme, selon l’âge, selon les variations hormonales etc…
[(image|=={image}|et{|non}|oui) ][(image|=={image}|et{|oui}|oui)Ces effets délétères ont émergé depuis plus de vingt ans, mis en exergue par des chercheurs indépendants, des lanceurs d’alerte grâce à des études rigoureuses, auditées, effectuées selon des normes réduisant au maximum les biais. Ces controverses sont pourtant très peu connues du grand public, alors qu’elles pointent deux principaux effets néfastes du dépistage : les fausses alertes et le surdiagnostic, qui entraînent des conséquences graves sur la santé des femmes et leur qualité de vie, susceptibles même de dépasser le bénéfice escompté du dépistage par mammographie.
(vous trouverez des références bibliographiques sur le site en lien plus bas, ainsi que dans la rubrique "Dépister les cancers ?" sur le site du Formindep)
De là j’ai communiqué mes doutes lors d’une interview accordée à notre journal régional, le Républicain Lorrain, parlant de la partialité de l’information et des effets négatifs du dépistage si peu relayés.
[(image|=={image}|et{|non}|oui) ][(image|=={image}|et{|oui}|oui)La vision paternaliste de certains médecins enferme les femmes dans ces stéréotypes malsains, les réduisant à de petites acheteuses-coureuses après une « cause », qui court aussi de l’avant et se porte très bien. Les promoteurs de cette « cause » sont les mêmes personnes qui informent unilatéralement, au mépris de la notion de conflit d’intérêt qui gangrène actuellement la campagne du dépistage du cancer du sein.
Pour cela nous avons construit, avec un groupe de confrères lucides et inquiets des dérives (généralistes et anatomo-pathologiste), un site d’information sur le dépistage du cancer du sein, avec une information qui se veut loyale, objective et complète, contenant des articles sur tous les aspects du dépistage, ainsi qu’une brochure d’information téléchargeable, accessible sur www.cancer-rose.fr.
– Le site
– L’article du Républicain Lorrain
– "Dépistage du cancer du sein : un bénéfice douteux" : article paru en octobre 2012 dans Que Chosir Santé